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Conte des sables

  • chantalederancourt
  • 25 nov. 2024
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 nov. 2024

Aujourd'hui, le vent souffle et pousse les nuages...💨


Née dans les montagnes lointaines, une rivière s’éloigna de sa source, traversa maintes contrées, pour atteindre enfin les sables du désert. Elle avait franchi tous les obstacles : elle tenta de franchir celui-là. Mais à mesure qu’elle coulait dans le sable, ses eaux disparaissaient.

Elle le savait pourtant : traverser le désert était sa destinée. Même si cela semblait impossible.


C’est alors qu’une voix inconnue, comme venant du désert, se mit à murmurer :

- Le vent traverse l’océan de sable, la rivière peut en faire autant.

La rivière objecta qu’elle se précipitait contre le sable, qui l’absorbait aussitôt : le vent, lui, pouvait voler, et traverser le désert.

- En te jetant de toutes tes forces contre l’obstacle, comme c’est ton habitude, tu ne peux traverser. Soit tu disparaîtras tout entière, soit tu deviendras un marais. Le vent te fera passer, laisse-le t’emmener à ta destination.

Comment était-ce possible ?

- Fais donc confiance aux brises, aux grands souffles qui vont, laisse-toi absorber par le vent et emporter au loin.


La rivière trouvait inacceptable de faire confiance à l'air hasardeux, impalpable : après tout, elle n’avait encore jamais été absorbée, elle ne voulait pas perdre son individualité. Comment être sûre, une fois son individualité perdue, de pouvoir la recouvrer ?

- Le vent, continua le murmure, remplit cette fonction. Il absorbe l’eau, lui fait traverser le désert puis la laisse retomber. L’eau tombe en pluie et redevient rivière.

- Comment en être sûre ?

- C’est ainsi. Tout ce que tu peux devenir, si tu ne l’acceptes pas, c’est un bourbier, et même cela peut prendre très longtemps. Et un bourbier, ce n’est pas la même chose qu’une rivière…

La rivière eut peur et cria :

- Mais moi, je veux rester ce que je suis aujourd’hui !!!

- Tu ne peux rester la même, dit le murmure. Si tu parles ainsi, c'est que tu ignores ta nature véritable. Cette rivière que tu es, n'est qu'un corps passager, sache que ton être impérissable fut maintes fois emporté par le vent, vécu dans les nuages et retrouva la Terre pour, à nouveau, former une rivière, courir, ruisseler, gambader.

Ces paroles éveillèrent en elle des résonances. Elle se rappelait vaguement un état où elle, elle, ou une part d’elle-même ?, s’était trouvée prise dans les bras du vent. Elle se rappelait aussi, ou était-ce ce quelque chose en elle qui se rappelait ?, que c’était cela qu’il fallait faire, même si la nécessité ne s’en imposait pas.

La rivière se leva, vapeur d’eau, jusque dans les bras accueillants du vent, puis s’éleva légère, sans effort, avec lui. Le vent l’emporta à mille lieues dans le ciel où planaient les oiseaux, de là, jusqu’au sommet d’une montagne où il la laissa doucement retomber.


Et les sables murmuraient : « Il va pleuvoir là-bas où pousse l'herbe tendre. Une nouvelle rivière va naître. Nous savons cela. Nous savons tout des mille visages de la vie, nous qui sommes partout semblables ».


(conte soufi adapté)



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